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L’habitat participatif et intergénérationnel

Qu’est-ce que l’habitat participatif ?


Plusieurs définitions et termes existent pour le désigner : habitat groupé, coopératif, partagé, écovillages, écohameaux, écolieux, oasis, etc.

L’habitat participatif est un « art de vivre ensemble », une façon parfois de mêler activité économique et habitat. Selon Audrey Gicquel, autrice du livre « Les clés de l’habitat participatif », on peut le définir par 3 notions essentielles :

- La co-construction d’un projet immobilier où des personnes se réunissent pour imaginer, concevoir et gérer leur habitat ensemble.

- La mutualisation : des espaces partagés et une organisation collective s’installent sur le lieu.

- La naissance d’un collectif : le groupe est expérimenté par les habitants à travers divers processus comme la gouvernance partagée, la communication bienveillante, le partage de valeurs…


Un groupe passe en général par plusieurs étapes de « maturité » et fait naître, s’il est réussi, un esprit de coopération, de confiance, de solidarité et de convivialité entre ses membres.

L'écohameau de Verfeil, habitat participatif dans le Tarn

Le mouvement de l’habitat participatif en France


L’habitat participatif est né de multiples initiatives dès 1859 ! En effet Godin, industriel, crée à l’époque les Familistères, lieux pour les ouvriers permettant une coopération entre eux et la mutualisation de services (école, théâtre, piscine, bibliothèque…). Viennent ensuite les Castors, à la fin de la 2nd Guerre Mondiale, mouvement d’auto-construction coopérative. Le but était de compenser le manque d’argent par des heures de travail collectif pour construire des logements. Durant les années 70, de nombreuses communautés de vie voient également le jour, repensant le modèle d’habitat classique.


Dans les années 2000, la crise du logement donne un nouvel élan à l’habitat participatif. Il apporte une réponse à l’individualisme, à la solitude des personnes âgées et aux problématiques environnementales.

  • Des mouvements se créent comme la revue Passerelle Eco, le Global Ecovillage Network, Habicoop, Habitat Participatif France, le réseau Habitat Groupé, le projet Oasis des Colibris…

  • Au niveau institutionnel, on retrouve des initiatives comme la création de journées nationales de l’habitat participatif et d’un Réseau National des Collectivités pour l’Habitat Participatif.

  • En, 2014, le terme « habitat participatif » est reconnu par l’article 47 de la Loi ALUR. Elle crée ainsi une définition et deux statuts juridiques dédiés : la coopérative d’habitants et la Société d’Attribution et d’Autopromotion.

Pour retrouver plus de détail sur l’histoire des lieux de vie alternatif, faites un tour sur notre article.


Et en pratique, comment se passe la vie en habitat participatif ?

L'exemple de Maisons Ecoé-La Caminade :


Durant notre périple, nous avons pu découvrir le projet d’habitat participatif la Caminade, porté par un collectif à Lodève ! Ce projet est inspiré de la philosophie des Maisons Ecoé, une association créée en 2015, qui vise à développer un nouveau concept d'habitat coopératif intergénérationnel.

Repas partagé à la Caminade !

Qu'est-ce que Maisons Ecoé ?


Philosophie du mouvement : Maisons Ecoé s'inspire du Mouvement "Care" (prendre soin) qui affirme qu'à chaque âge de la vie, chacun-e peut donner et recevoir et ne mérite pas d’être assigné-e à un rôle d'assisté-e, ou d'assistant-e. Il y a un véritable besoin sociétal : prendre en charge la dépendance et le vieillissement de la population et garantir un accès pour tous à des logements décents dans des conditions économiques satisfaisantes. En échange, cela permettra aux plus jeunes générations de bénéficier d'un système d'entraide et de soutien (garde d'enfants, enrichissement mutuel etc).


Mettre en place 3 projets pilotes pour ensuite essaimer : Afin de répondre à ce besoin sociétal, Maisons Ecoé souhaite aider à la création de 3 lieux de vie pilotes en Languedoc Roussillon (à Lodève, Montpellier et Clapiers), en leur fournissant une documentation technique et opérationnelle. Les publics visés sont des familles, des célibataires (étudiants ou actifs) et des seniors souhaitant intégrer des lieux de vie générateurs de liens sociaux. « Ce serait un vrai lieu de vie, jusqu'à la mort, où des liens seraient créés, tissés entre les personnes et où on serait accompagné-e. ».


Les piliers du projet :

Echange entre générations, soutien, solidarité, création de lien social.

Le but étant de valoriser les compétences et expériences de chacun, de favoriser la transmission de la sagesse des "anciens" et de s'accompagner à travers les difficultés de la vie.


Histoire du projet de la Caminade :


Le début de l'aventure :

La Caminade suit donc la philosophie et les piliers de Maisons Ecoé. Tout débute en novembre 2016, quand un collectif de plusieurs foyers se constitue. Le but est de bâtir une coopérative basée sur la mixité sociale, un lieu de vie intergénérationnel, bioclimatique et respectueux de l’empreinte écologique. Le projet démarre par la rencontre de 7 personnes, toutes étant attirées par les mêmes valeurs : la recherche d’un endroit où passer leurs vieux jours pour Jochen et Reggie, d’un nouveau collectif pour Louise, d’un projet solidaire et écologique pour Mino & Christian et de valeurs humanistes pour Catherine & Jacques.

Après de nombreuses rencontres mensuelles de travail, la recherche fastidieuse d’un terrain, la mise en place des bases humaine, juridique, financière et architecturale avec l’aide de professionnels, le collectif de la Caminade trouve enfin son terrain à Lodève et signe à l’été 2020 !

Le projet réunit à ce jour 12 personnes engagées, et plusieurs foyers candidats, allant de 3 à 74 ans !


Le début des travaux peut donc commencer ! Il s’agira de la construction de 3 bâtiments ergonomiques et bioclimatiques accueillant chacun environ 5 appartements de tailles différentes. Ils sont conçus avec l’aide d’un architecte. Chaque appartement comportera un jardin ou terrasse individuelle (20m² maxi). Des espaces intérieurs communs seront aussi prévus : chambres d’amis, salle commune, buanderie, atelier bricolage, bibliothèque, salle de silence, petit appartement dédié à de l’hébergement de dépannage. A l’extérieur, potager/verger en permaculture, espaces de jeux pour les enfants, forêt seront entretenus collectivement.

Cet habitat se veut ouvert sur le quartier, afin de conserver une part de militantisme : une salle pour réaliser des activités qui dépassent le cadre de la coopérative (réunions débats, concert, spectacles…), peut-être aussi un atelier de travail, seront prévus.


Le projet est soutenu par plusieurs acteurs, le lien avec la mairie de Lodève notamment est très important. Hérault logement, la Communauté de Communes, le Département et la Région sont aussi des partenaires importants pour mener le projet. Comptable, avocat, architecte aident enfin le collectif dans son fonctionnement.


Montage juridique :


Les Maisons Ecoé se veulent être des habitats coopératifs, afin de proposer à tous types de revenus un accès au logement. La Caminade s’est donc constituée en coopérative d’habitants, statut créé par la loi ALUR de 2014 permettant une forme d'accession à la propriété de manière collective.

Le collectif a choisi ce modèle juridique car une coopérative peut être solidaire, intergénérationnelle, non spéculative et sociale.


Fonctionnement d’une coopérative : - les habitants deviennent associés de la coopérative. - Ils souscrivent à l’acquisition de parts sociales pour constituer le capital de la coopérative. 1 part sociale = maximum 30% du prix de revient global du projet immobilier. Chaque coopérateur est libre de participer à la hauteur de ses moyens. - La coopérative est immatriculée et fonctionne comme une personne morale. Elle est souvent constituée pour 99 ans. - Pour financer les 80 % restant, la coopérative souscrit à un Prêt locatif social (PLS). Ce prêt a été créé par la Loi ALUR. Il est accordé par la Caisse des dépôts et consignation, sur une durée minimum de 15 ans et maximum de 40 ans. Les taux sont actuellement autour de 2%. - Chaque mois, les coopérateurs payent une redevance (comme un loyer) à la coopérative. Celle-ci ne peut pas dépasser 8€ le m².

Pour le financement de tels projets, il existe aussi des soutiens régionaux comme BDO, No Watt (pour les investissements écologiques) et Carsat (pour les « séniors ») en Occitanie.


Le fonctionnement du collectif :


La propriété est collective :

Chaque habitant-e dispose de sa maison personnelle et certains lieux sont mutualisés. Les familles coopératrices sont collectivement propriétaires et individuellement occupantes.


La gouvernance : La gestion de la coopérative est partagée entre tous les membres : un coopérateur = une voix (indépendamment de l'investissement financier fait par chaque coopérateur).

La gouvernance se veut autant que possible autogérée et de toute façon démocratique.

  • La "charte des valeurs" permet de poser un cadre éthique et politique au groupe.

  • Les statuts fixent aussi le mode de gouvernance : décisions par consentement, gestion collégiale

  • Les différents "services " (démarches vis à vis des partenaires, finances, architecture, accueil des nouveaux, anticipation de la dépendance) sont assumés par des "pétales", qui rendent compte à l'ensemble du collectif.

  • Les rôles et les tâches sont répartis sur la base du volontariat.

Pour la gestion des conflits, le collectif a recours à un professionnel "régulateur et médiateur" qui peut intervenir à la demande du groupe quand les choses se grippent.

Signature des statuts par les membres fondateurs

Répartition temps collectifs et individuels :

Pour le moment, le collectif ne vit pas encore ensemble puisque les travaux sont en cours.

Les réunions du collectif en présence ou par téléphone sont fréquentes, avec notamment au moins un gros week-end par mois. A cela s'ajoute un repas partagé pour recevoir les personnes désireuses de découvrir le projet. Un temps de vacances collectives est aussi organisé chaque année pour renforcer le lien dans le collectif.


En pratique, sur le lieu, le respect de l’espace de chacun-e sera important.

Des temps collectifs seront prévus, mais chacun-e aura son espace de vie personnel.

Des espaces seront aussi mutualisés. L’idée est aussi de partager des moments de solidarité, d’entraide, de partage et de convivialité, des activités communes (jardinage, bricolage, chant, danse, musique…), des tâches communes (entretien du lieu, gestion du compost…) !

Un habitat participatif ne doit pas se perdre dans l'activisme et les réunions à tout va, mais doit aussi être un lieu où les coopérateurs peuvent se retrouver avec eux-mêmes, goûter au silence, à la nature, et avoir une pratique personnelle si cela est leur choix. C’est pour cela qu’une salle de silence sera bâtie sur le lieu.


Départ et arrivée de nouveaux membres :


Gestion des départs :

En cas de départ d’un des membres du collectif, il faudra procéder à la transmission des parts du coopérateur. La coopérative étant la seule propriétaire, la non spéculation est au cœur des valeurs du projet : il n’y a pas de plus-value financière possible en cas de départ.

En cas de décès, les parts sociales sont transmises aux héritier-es.


Inclusion de nouveaux habitant-es :

Le partage des valeurs et d'une certaine conception du "vivre ensemble" sont les bases de l'accueil de nouveaux membres. L'investissement dans la "vie participative" de la coopérative, notamment dans la phase de constitution de la coopérative qui demande beaucoup d'énergie, peut aussi entrer en ligne de compte, de même que la situation financière (pour permettre l'équilibre financier du projet). L’inclusion se fera aussi sur la base de l'âge pour respecter la dimension intergénérationnelle.


Chaque mois, une réunion et un repas partagé sont organisés pour accueillir des personnes intéressées par le projet.

L’agrément pour accueillir une nouvelle personne doit être donné par tout le collectif. C’est une discussion qui se fera au sein du collectif, sur la personne en question. Le processus peut prendre de 3 mois minimum à 1 an.

Le terrain accueillant prochainement La Caminade !
 

Qu'est-ce que la gestion par consentement ?


C’est un processus de prise de décision permettant d’écouter les objections de chacun-e vis-à-vis d’une proposition et de prendre une décision, autrement que par le vote, afin que chacun-e puisse vivre avec la décision.

Afin de faciliter le déroulement du processus, 3 rôles sont distribués parmi les participants : un facilitateur (il est au service du processus et doit veiller à ce que celui-ci soit respecté. Il aide le groupe à s’organiser et à reformuler, il encadre la réunion), un gardien du temps (respect de l'horaire) et un script (il prend note de ce qui se dit, des propositions, objections…)


Quel processus de décision ? 0) Le sujet à traiter est annoncé (ex : doit-on accepter les animaux de compagnie sur le lieu ?). 1) Ecoute du centre : chacun-e exprime son point de vue, les points bloquants et ses idées (sous forme de tour de parole) afin de nourrir le sujet traité. 2) Elaboration d’une proposition : on rassemble les différents éléments énoncés au centre et à partir de cela, un volontaire fait une proposition simple pour répondre au sujet. Celle-ci servira de base de travail à approfondir pendant le processus. La proposition choisie est alors écrite par le secrétaire. 3) Clarification : chacun-e pose des questions ou reformule la proposition pour bien la comprendre. 4) Ressentis : chacun-e exprime ce que la proposition lui évoque (réponse à ses besoins, améliorations possibles, préférences…) 5) Clarification, amendements, retrait : le proposeur clarifie la proposition, peut l’amender en fonction des suggestions formulées, peut éventuellement la retirer ou encore la laisser telle quelle. 6) Objections : chacun-e formule ses objections par rapport à cette proposition amendée. Chaque objection est notée. S’il n’y a pas d’objections, la proposition est adoptée. 7) Bonifications : le facilitateur traite les objections 1 par 1. La discussion est libre autour de celles-ci, chacun-e pouvant apporter des solutions. Le but est que les objections posées soient levées, afin que chacun-e puisse « vivre avec la proposition ». Par vivre avec la proposition, on veut dire qu'au lieu de savoir si une personne est pour la proposition, on va chercher à savoir si elle n'est pas contre. Lorsqu’il n’y a plus d’objection, il y a consentement mutuel. La proposition peut alors être modifiée et adoptée.


=> Pour en savoir plus, nous vous invitons à regarder cette vidéo mettant en scène une prise de décision par consentement, ou à lire ce document de l’université du nous décrivant le processus.

 

Ressources :


Pour plus d’exemples d’habitats participatifs, découvrez aussi 2 beaux projets que nous avons pu rencontrer ! - L’écohameau de Verfeil - L’écohameau du Claux


Pour vous documenter & aller plus loin :

- Audrey Gicquel, les clés de l’habitat participatif, 2020, éd Yves Michel

- La revue Passerelle Eco : outils pratiques sur la permaculture, l’intelligence collective, les modèles juridiques

- Le Global Ecovillage Network : outils pratiques et adresses d’écovillages

- Habicoop : association pour le développement des coopératives d’habitants

- Eco-habitat groupé : association pour promouvoir ce mode d’habitat dans le secteur locatif.

- Les rencontres nationales de l’habitat participatif : journées dédiés à faire connaître ce type d’habitat.

- Habitat Participatif France : association nationale dédiée à l’habitat participatif pour mutualiser des outils, des retours d’expériences et faire du plaidoyer auprès des pouvoirs publics.

- En savoir plus sur les Maisons Ecoé

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