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Photo du rédacteurLes Butineurs d'Alternatives

Repenser le rapport à la terre : la conservation des sols & l’agriculture paysanne

Dernière mise à jour : 29 nov. 2020

La modèle agricole actuel est en constant débat, entre agriculture conventionnelle, raisonnée, biologique, agroécologie etc… Tous les modèles ont leurs avantages et inconvénients, la réalité de terrain des agriculteurs n’est pas toujours simple et les choix sont contraints par de nombreuses variables : viabilité économique, rendement, protection de la biodiversité, des sols, réponse à des demandes de consommateurs, adaptation au changement climatique, protection des ressources naturelles comme l’eau, le pétrole etc.


Une chose est certaine, l’agriculture intensive arrive à saturation, les limites sont bien exposées :

- Diminution massive de la biodiversité due à la monoculture, au labourage et aux intrants

- Erosion des sols et épuisement de la terre car les sols ne sont plus fertiles et ne se régénère plus

- Risques sur la santé, pollution des eaux, de l’air causée par l’épandage des pesticides

- Endettement économique : due à la mécanisation, toujours plus importante, obligeant de lourds investissements et un endettement.

Malgré une production alimentaire importante, cette agriculture ne permet pas aujourd’hui l’autonomie alimentaire des territoires (forte dépendance à l’importation).


De nouveaux modèles existent et redéfinissent les principes agricoles pour favoriser le local, la préservation des sols et de la biodiversité et une alimentation de qualité.


Ces modèles rejoignent des valeurs d’agriculture durable : une agriculture économiquement viable, saine pour l’environnement et socialement équitable.


L’agroécologie

C’est un ensemble de pratiques agricoles, une science et un art réconciliant l'écologie (science de l’environnement) et l'agronomie (science de l’agriculture), l'humanité et toute forme de vie.

Ses objectifs ? Prendre soin du sol, de la plante, de l'animal et de l'être humain. Considérer l'ensemble des éléments de l'écosystème et des systèmes sociaux. Soutenir le développement des circuits courts.

L’agroécologie promeut ainsi :

- La diversité biologique : diversité des cultures, des élevages et des arbres

- Le respect des processus naturels : cycles de l’azote, du carbone, de l’eau,

- Les équilibres biologiques entre organismes ravageurs et auxiliaires des cultures...


En savoir plus sur France Nature Environnement


L’agriculture paysanne

Approche de l’agriculture développée par les paysans de la Confédération paysanne et de la FADEAR Elle s’organise autour de 6 thèmes interdépendants : l’autonomie, la répartition, le travail avec la nature, le développement local, la qualité, la transmissibilité ».


1. L’autonomie : produire sur la ferme ou troquer la nourriture pour les animaux, les semences, partager les machines dans une CUMA (Coopérative d’Utilisation du Matériel Agricole), alterner les cultures, multiplier les acheteurs (particuliers, coopératives de consommateurs, marchés, vente directe, AMAP…), ne plus être dépendant des aides européennes.

3. Le travail avec la nature : favoriser la biodiversité en plantant des arbres, des haies, faire sortir les bêtes au prés, enrichir la terre de manière naturelle…

4. Le développement local : repeupler les campagnes grâce à une augmentation du nombre d’agriculteurs, faire du lien avec les acteurs locaux (écoles, citoyens, mairies, associations…)

5. La qualité des produits : la course à la quantité est l’ennemi de la qualité, choisir des variétés de saison (pour éviter des productions hors-sol, sous serre chauffées et ainsi ne plus utiliser d’engrais, limiter la consommation d’eau)…

6. La transmission des fermes : transmettre à des agriculteurs ayant la même démarche, à des jeunes…


Pour en savoir plus, on vous invite à lire cette petite BD écrite par le syndicat de la Confédération paysanne ! Elle explique très bien ce qu’est l’agriculture paysanne et ses avantages.


L’agriculture de conservation :

L'agriculture de conservation est un ensemble de techniques culturales destinées à maintenir et améliorer le potentiel agronomique des sols, tout en conservant une production régulière et performante sur les plans technique et économique.

Elle prévoit le maintien d’une couverture permanente du sol, un travail du sol minimal, une diversification et une rotation des cultures. Elle permet d’accroître la biodiversité et stimule les processus biologiques naturels, ce qui contribue à une utilisation plus efficace de l’eau et des nutriments et permet d’améliorer durablement la production végétale.

En savoir plus ici Etude du ministère de l’agriculture ici


Les Chlorophy’liens, exemple de ferme paysanne


Durant notre périple, nous sommes allés à la rencontre des Chlorophy’liens, durant 3 semaines pour les aider en woofing à leur divers travaux !

Après plusieurs années de réflexion et de d’imagination du projet, cet Ecolieu est fondé par 6 copain-es en 2018, lorsqu’ils trouvent leur ferme près de Monestier dans le Tarn et Garonne.

Le lieu : un projet de ferme polyvalente et écologique, 28 hectares de terres agricoles en location et un corps de ferme acheté par le collectif en SCI, transformé en habitat collectif.



Elise et Nina nous expliquent leurs activités :


Quels étaient vos métiers avant de commencer ? Toutes les deux ingénieures agronomes de formations, leurs métiers les ont amenées à travailler en lien avec l’agroécologie et l’agriculture paysanne. Elise travaillait pour une ADEAR (Association pour le Développement de l’Emploi Agricole et Rural) et accompagnait des paysans dans leur parcours à l’installation. Nina était en poste à l’AFAF (Association Française d’Agroforesterie).


Les prémices de l’activité : Le projet a commencé autour de 2014 quand chacune réfléchissait à ses activités. Elise et Nina souhaitaient faire une activité autour de l'agriculture. Elise effectue un stage avec l'INRA (Institut National de Recherche Agronomique) et travaille dans le Tarn avec un collectif de paysans (Sol et eau en Ségala) pour une agriculture bio de conservation des sols. Elle décide de tourner son activité agricole vers les grandes cultures de céréales. Afin de valoriser la matière première et de combiner un métier artisanal, elle souhaite monter une activité de boulangerie, après avoir effectué plusieurs stages.


Nina décide d’aider Elise à cultiver les grandes cultures et, en lien avec son métier, souhaite créer un verger syntropique (en symbiose avec plusieurs espèces).

Et c’est parti pour l’aventure, Nina demande une Dotation Jeune Agriculteur auprès de l’état et monte son Entreprise Individuelle. Elise se met en CEFI (Contrat Emploi Formation Installation) auprès de Nina, l’équivalent d’un stage pré-installation.


Quelles aides à l’installation existent pour des jeunes agriculteurs ?


- De l'idée à l'installation : plusieurs étapes sont nécessaires et différents interlocuteurs interviennent.

La Chambre d’Agriculture, les ADEAR ou les CIVAM (Centre d’Initiatives pour Valoriser l’Agriculture et le Milieu rural) peuvent aider à l’installation.

La confédération paysanne, syndicat agricole, peut également aider à trouver des terres puisqu’elle siège aux commissions de la SAFER (Sociétés d’Aménagement Foncier et d’Etablissement), de la MSA (sécurité sociale agricole) et de la Chambre d’Agriculture. La SAFER est une société spécialisée dans la vente de biens fonciers ruraux.


- Le financement : faire un emprunt soi-même est souvent lourd à porter.

La SAFER peut porter ce genre de démarche en achetant pour les agriculteurs. L’agriculteur paye ses intérêts et doit rembourser la SAFER au bout de 7 ans (racheter les terres soi-même ou négocier avec Terres de lien pour un rachat). Autre possibilité : louer des terres à l’association Terres de Lien (prix du fermage : 100€ par hectare) / monter un GFA (Groupement Foncier Agricole)


- Les aides financières :

des subventions régionales, d’association (ex : Fermes d’avenir)

la Dotation Jeune Agriculteur (DJA), aide de l’état entre 20 et 40 000€. > Les conditions ? Avoir moins de 40 ans, avoir la capacité professionnelle agricole (voir sur le site de la DRAF), faire sa comptabilité pour rendre des comptes et sortir un SMIC de l'activité au bout de 3 ans.


- Pour la comptabilité et la gestion : des associations peuvent accompagner (comme l'AFOCG) pour faire sa comptabilité, l'analyser et prendre des décisions par la suite (ex : abandon de cultures, santé de la structure, diversifier ses cultures, vendre plus ou moins, faire un emprunt,...).


Quelles techniques et philosophies de culture ?

- Travailler au minimum leur sol, c’est à dire ne pas labourer car celui-ci détruit la structure du sol et sa biodiversité, relâche du carbone dans l’atmosphère et nuit à la fertilité des sols.

Le processus se fait petit à petit :

arrêter progressivement le labour, puis seulement gratter le sol en surface,

ne jamais laisser le sol à nu (Ex : entre deux cultures de céréales, cultiver des engrais verts- trèfle, Luzerne- ou des prairies qui seront laissés sur place pour enrichir le sol).

Couvrir le sol permet de renforcer sa structure, limiter l’érosion et laisser de la vie, les racines des plantes vont alors apporter le développement de micro-organismes et d’insectes.


- Garder quelque chose de manuel : pour garder le lien avec le sol et la plante, Elise a décidé de dédier un lopin de terre où tout se fera à la main (des semis à la l’égrainage en passant par le désherbage, le fauchage et la récolte). L’idée est de créer du lien avec les locaux, un moment festif !


- Faire des rotations et une diversité de cultures :

Cultiver une même culture sur une même surface tous les ans amènent des maladies, un appauvrissement du sol et de la plante puisque celle-ci pompera toujours les mêmes nutriments. La terre s’épuisera et ne pourra plus rien donner (sans minéraux comme en monoculture…).

Idéalement, une plante ne doit jamais retourner au même endroit avant 6 ans (ex : si 3 hectares ont été cultivés en blé, cette surface ne pourra accueillir du blé que 6 ans plus tard. Alterner donc avec d’autres céréales).

Pour avoir une bonne rotation, Elise conseille d’avoir au moins 15 hectares de terres disponibles pour pouvoir répartir les cultures au fur et à mesure du temps. Ainsi elle cultive sur 18 hectares du blé, du petit épeautre, du seigle et du sarrasin qu’elle alterne sur ses terres.


- Mutualiser le matériel agricole : Elise et Nina passent par une CUMA pour louer leur matériel agricole (tracteurs, travail du sol, semis, désherbage…). Les 80 membres de la CUMA sont responsables du matériel et doivent en prendre soin. La seule problématique peut-être la disponibilité du matériel : en pleine saison, cela peut être difficile d’avoir le matériel souhaité. Reste aussi les aléas climatiques qui peuvent empêcher de faire le travail.

Nina et son verger syntropique :

Les premiers fruitiers ont été plantés en janvier 2018 et les premiers plants de vigne au printemps 2019, il faudra donc attendre 2021 pour les 1ères récoltes !

Le principe d'un verger syntropique ? Avoir une diversité de plantes pour permettre une production quoi qu’il arrive :

- planter des haies fruitières (composées de fruitiers, arbres forestiers, arbustes et petits fruits : plusieurs strates pour varier les cycles annuel et pérenne) ;

- mettre du carbone, du fumier dans le sol pour l’amender et enrichir les plantes ;

- planter des légumes dans les allées (pour ne pas laisser le sol à nu).


La symbiose de toutes ces espèces permet une très bonne résilience face aux ravageurs, le sol est enrichi et tout le verger est nourricier.

L’agriculture syntropique est un concept développé par le conservatoire végétal d’Aquitaine : il s’agit de copier et d’accélérer les processus naturels. C’est le contraire de l’entropie, phénomène qui fait tendre la matière inanimée vers l’ordre et le désordre et donc la destruction. En savoir plus : ici


Comment se passe les récoltes et la commercialisation ?


- Les récoltes : les céréales se récoltent lorsque le taux d’humidité est suffisamment bas pour éviter les moisissures. Chez le voisin, Elise va trier son grain (dans un trieur qui permet de mettre de côté les plantes vertes et les grains). Ensuite, c’est la mise en silo (il faut alors envoyer de l’air à certains moments de la journée pour maintenir un taux d’humidité bas). Enfin, ce sera la transformation en farine.


- Les produits : de la farine est produite sur le lieu grâce à un moulin de type Astrié (moulin avec meule de pierre du Tarn). A partir de cette farine est produit du pain au levain naturel, cuit au four à bois. Les pains proposés : pain demi-complet, complet & spéciaux (raisins-noisette, sarrasin, seigle, petit épeautre). Pour le verger, plusieurs types de fruits seront vendus et/ou transformés (séchés ou en jus) : pommes, poires, prunes, pêches, raisin de table et petits fruits.


- La commercialisation : pour la vente des pains, deux marchés sont réalisés par semaines l’été (1 seul en hiver). Elise vend aussi à O’meloko, un dépôt de produits de producteurs locaux (les ventes se font en ligne puis les clients viennent chercher leur commande au dépôt). Enfin des ventes informelles grâce à la base de données d’Elise de personnes intéressées.


Ci-dessous, fournée de 150 kilos de pains pour le marché de Monestier ! Réalisés dans la joie et la bonne humeur :D

Une estimation de ton budget Elise ?

Achat des terres : entre 5 000 et 10 000€ l’hectare. Compter 15 hectares. Rénovations du fournil (murs, carrelage, enduits, toiture, abris pour le four, ouvertures…) : 10 000€ Four à bois : 16 000€ neuf Moulin Astrié : 14 000€ Matériel de boulangerie : Pétrin (9000€ neuf), petit matériel (bacs, moules, parisiens, tissus, plonge, grande table, balances, ingrédients, bois…) autour de 5000€.


Comment imaginez-vous l’évolution de vos activités ?

L’idée des Chloro est de pouvoir créer à terme une interface pour l’organisation d’événements festifs et/ou artistiques et culturels. Ils aimeraient aussi fonder un lieu d’accueil à la ferme, pour différents publics (touristique et social).

Elise souhaite développer le côté social de son activité et organiser des moments de partage, festifs autour du pain, du semi et de la récolte du blé à la main.



Nous espérons que vous aurez trouvé plaisir à lire cet article, si vous avez des questions, remarques, suggestions, n’hésitez pas à les partager avec nous !

Retrouvez prochainement un article sur le maraichage sur sol vivant, développé par Vincent des Chlorophy’liens et Virginie de l’écolieu Jeanot !


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